Le Kilianstollen, quelle histoire!
20 décembre 2011
c*duites du 13 septembre au 10 novembre derniers, des fouilles archéologiques ont révélé un site exceptionnel datant de la Grande Guerre. Il aura fallu le projet de la future déviation d’Aspach pour lever les mystères historiques du Kilianstollen et de ses 21 soldats allemands disparus. Retour vers le passé, à Carspach, un certain 18 mars 1918…
Des sources et un monument commémoratif indiquaient la présence d’une galerie souterraine sur le tracé de la future déviation. En 2007, un diagnostic archéologique réalisé par le Pôle d’Archéologie Interdépartemental Rhénan (PAIR) a permis d’identifier les vestiges de tranchées allemandes de première ligne, ainsi qu’un escalier d’accès à une galerie. En octobre 2010, lors de travaux de terrassement, la découverte de planches de bois enchaînée d’une fouille ponctuelle ont abouti au dégagement de cette galerie en bois extrêmement bien c*servée. Ces premières observations ont permis la prescription de fouilles préventives par les services de l’État. Le chantier a été mené par le PAIR durant deux mois, sous la direction de l’archéologue Michaël Landolt.
34 soldats ensevelis
Sur le flanc de la colline du «Lerchenberg», la galerie Kilianstollen se situe au niveau de la première ligne de front allemande, fixée à l’Ouest d’Altkirch entre 1914 et 1918. Il s’agit d’un abri souterrain de grande capacité –théoriquement de 500 soldats-, c*struit début 1916. Réaménagée jusqu’à la fin de la guerre, la galerie orientée Nord/Sud parallèlement aux tranchées mesure environ 125m de long, 1,10m de large pour 1,70m de haut. Elle a été c*struite en sape horizontale entre 3,5 et 6m de profondeur, selon des techniques de travail minier. De nombreux escaliers assurent la liaison avec l’extérieur: à l’Ouest ceux-ci donnent accès aux tranchées de première ligne et à l’Est à un chemin creux. La galerie était chauffée par des poêles à bois, alimentée en électricité et raccordée au téléphone. On y retrouve lits, tables, banquettes, chaises, armoires, étagères et un double plancher permettant l’écoulement des eaux d’infiltration. Lors des bombardements français, les soldats pouvaient y trouver refuge. Dans la matinée du 18 mars 1918, l’artillerie allemande pilonne les lignes françaises à l’aide d’obus à gaz pour faire diversion dans le cadre de l’offensive allemande en préparation en Picardie. Suite à ce bombardement, l’artillerie française réplique l’après-midi même, c*centrant ses tirs sur le Kilianstollen. La plus grande partie de la 6e Compagnie du 94e régiment d’Infanterie de Réserve trouve refuge dans la galerie c*sidérée comme sûre avec ses seize accès et son implantation entre 3,5 et 6m de profondeur. Vers 13h30, après avoir essuyé trois tirs successifs, la partie Sud de la galerie, où la couche de terre est la plus mince, s’effondre sur environ 60m. Trente-quatre soldats sont ensevelis et dix sont blessés suite à l’éboulement. Dès la tombée de la nuit, les soldats allemands tentent une opération de sauvetage afin de libérer les hommes bloqués dans la galerie. Seuls deux survivants ont pu être secourus, mais ils n’ont pas survécu à leurs blessures et sont morts peu de temps après: le premier lors de son transfert à l’hôpital, le second après un mois d’hospitalisation. Treize corps ont pu être évacués et sont aujourd’hui en partie inhumés dans le cimetière militaire allemand d’Illfurth aménagé en 1920. Les recherches furent interrompues à cause des c*traintes techniques (présence de terre dans la galerie effondrée, difficulté d’accès et de progression, poursuite des combat). Enfin, le 4 avril, le régiment est relevé et envoyé dans les Flandres au Mont Kemmel.
Un lieu de mémoire
Les fouilles archéologiques ont révélé les vestiges de la galerie effondrée (au niveau de deux escaliers d’accès) et de l’opération de secours. Certains tronçons ont fait l’objet d’un étaiement permettant la c*solidation de la galerie pendant cette opération, après 93 ans. Les 21 corps ont tous pu être retrouvés. Enfin, il apparaît que la galerie a fait l’objet de réaménagements après l’effondrement du 18 mars 1918 qui permettent d’envisager son occupation, peut-être jusqu’à la fin de la guerre. Certains tronçons ont ainsi été réutilisés en abris indépendants qui ne communiquaient plus. Un escalier supplémentaire a même été implanté et les communications avec les parties effondrées ont été obstruées. Enfin, les traces d’un incendie ont également pu être observées alors que la galerie était en grande partie envahie par de l’eau. Que deviendront les corps retrouvés? Par son enracinement dans la mémoire collective locale et la présence de corps de soldats dont l’identité est c*nue, le site est un lieu de mémoire chargé d’histoire qui demande à être traité avec respect et dignité. Pour chaque corps de soldat retrouvé, le service des sépultures français a été c*tacté. Celui-ci a dressé un procès verbal de découverte de corps détaillant l’individu et les objets qui l’accompagnent. Ils seront ensuite étudiés par les scientifiques du PAIR, puis remis au service des sépultures français qui les restitueront à leurs homologues allemands du Volksbund Deutsche Kriegsgrëiberfürsorge. Face au caractère exceptionnel de ces vestiges et à leur très bon état de c*servation, le PAIR travaille en collaboration avec le c*seil général du Haut-Rhin à la c*ception d’actions et de supports destinés à restituer les résultats de la fouille au plus grand nombre. Un reportage vidéo est actuellement en cours de réalisation. Un tronçon de galerie a également été prélevé afin d’être valorisé dans un espace d’exposition. D’autres projets permettront également de partager ses découvertes avec le plus grand nombre.